Il s’appelait E. Je l’ai connu à la fac et il était beau, et sexy. En plus, il était gentil, drôle. Enfin, au début, je le trouvais gentil. Il s’est avéré que je n’étais pas la seule à le trouver beau et gentil. À peu près un tiers des femelles de ma promo lui prêtait aussi ces qualités…au point qu’il confiait un jour à la copine d’une copine « j’ai l’impression que plein de filles me tournent autour, depuis la rentrée ». Tu m’étonnes…Anthon’ ! L’effervescence, autour de lui, a été de courte durée, car il s’est mis à sortir avec une laideronne conne. Beau et sexy comme ça :
Désolé, Bradley, mais mon crush était encore plus beau que toi…
E. le Sex-Symbol et sa laideronne
Note : Je n’ai rien contre les gens qu’on désigne comme laids. On est tous le Moche ou le Beau de quelqu’un d’autre. Par ailleurs, je trouve ça topissime, en temps normal, que des personnes considérées, par la majorité, comme moches, puissent se taper la bombe du coin !
Mais, celle-là, mais alors celle-là, c’était un laideron ET surtout, une grosse connasse !!! Chiante, en train de geindre pendant les cours, de réclamer lourdement auprès des profs des éléments qui n’intéressaient qu’elle-même. Elle se faisait mousser. Elle réclamait à nos enseignants de retirer des points à tous ceux qui tardaient à rendre leur copie, lors des examens, parce qu’elle, elle avait fini à l’heure. Une CON-NASSE !
Bref, il est sorti avec elle. Stupeur générale. Qu’est-ce qui avait bien pu l’attirer chez elle ?
Ça bitchait bien, dans leur dos, mais comme dans tout troupeau de moutons, la promo se mit bientôt à regarder d’autres trains passer… Quoi qu’il en soit, ils sont devenus très cons, tous les deux. Ils étaient persuadés que tout le monde passait son temps à les observer et à commenter leur couple. Ils se prêtaient, par ailleurs, d’extraordinaires qualités de chef de projet, bien au-dessus des nôtres, ne ratant pas une occasion de rabaisser ou de critiquer le travail de leurs pairs.
J’avais toujours le béguin pour E. et je le cachais, tout au fond de moi. Son laideron de copine ne pouvait pas me sentir et c’était réciproque. J’étais si déçue, à l’époque, de voir ce qu’il devenait. De constater que je passais, malgré moi, dans le camp de ses ennemis, de voir qu’il devenait franchement hautain et imbu de lui-même.
Il y avait une erreur dans la matrice. Je savais bien, au fond de moi, qu’il n’était pas ça. Cependant, j’avais d’autres chats à fouetter et je renonçais à la petite voix qui me disait « je veux mieux le connaître ».
E., Sex-Symbol infidèle et ange déchu
Et puis…il a trompé la vilaine, paraît-il. Avec une fille trèèèèès trèèèès belle. Les trois-quarts de la promo s’en foutait, pour la plupart, depuis belle lurette de leurs histoires. Mais comme dans toute basse-cour, …ça piaille.

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Impossible de ne pas être au courant. Nous n’étions plus qu’un effectif réduit, en Master 2 !
Ils se sont donc séparés, ou l’un a quitté l’autre, bref.
La vilaine nous l’a joué Poubelle la vie aux feux de l’amour. Et que je te claque la porte en plein cours, en lui hurlant dessus. Et que je raconte des trucs sur lui devant tout le monde. Et que je bouscule mes collègues de promo, volontairement, pour montrer que je veux l’éviter… Bref. Elle était pitoyable.
Il se retrouva très isolé. Le semestre 2 démarrait. Nous partîmes tous en stage de fin d’études.
Remise des diplômes et tentative d’approche
À la remise des diplômes, j’ai vu E. plus loin dans l’amphi, seul et penaud et mon cœur a fait boom.
Je me suis dit qu’il fallait tenter quelque chose. S’il me disait non, je savais que j’aurais peu de chances de le recroiser. Alors autant essayer. Je lui ai écrit un e-mail très court. Un truc du style : « E., tu me plais. Aimerais-tu boire un verre avec moi ? ». Il y avait 99% de chances pour qu’il refuse, mais je fais partie des gens qui s’accrochent au pourcentage de chances restant.
Bien sûr, il m’a dit non, mais m’a avoué que mon message lui faisait très plaisir. Ce n’était pas bien grave. Je savais que je ne le reverrais pas de sitôt. Par la suite, nous n’avons plus eu de contact, ou presque. De vagues e-mails impersonnels, entre « professionnels » du milieu. Jamais rien de direct, entre lui et moi.
Les années ont passé, et même au plus fort de mes histoires d’amour, je ne l’ai jamais oublié. Non pas que je sois restée amoureuse, mais je rêvassais, parfois, dans mes moments de célibat, en repensant à ses yeux bleus : « et si on avait été collègues, dans une entreprise tous les deux ? Copains ? Plus… ». Et je me souvenais ensuite de comment il avait viré, en Master, quand il sortait avec la gueuse. Je me disais que E. appartenait au passé.
Il avait marqué les esprits, en tout cas. 2 ou 3 ans après, alors que je séjournais, à l’étranger, chez une vieille copine de promo, et que nous évoquions nos souvenirs passés, elle me reparla de cette mystérieuse histoire de tromperie. D’une façon ou d’une autre, la vilaine s’était confié à elle, car elles avaient vécu, un temps, seules, dans la même ville. Elle me dit, à demi-mots, Ô combien il avait été salaud avec la vilaine. Elle se refusa néanmoins à me dévoiler le cœur de l’histoire, comme seules savent le faire les commères qui veulent se faire tirer les vers du nez 😀
Je n’insistais pas. C’eut été accorder trop d’importance à cette lointaine ennemie que représentait le laideron.
E. est mort
Il y a quelques années, je suis allée rendre visite à ma sœur, au bord de la mer. Je me suis souvenue qu’E. était originaire de cette ville balnéaire, très précisément. Par curiosité, j’ai googlé son nom. Stupeur en voyant le premier résultat Google :
E. était mort, un mois auparavant !
Je n’en croyais pas mes yeux. Ce n’est pas possible, me disais-je. Ça doit être un homonyme, quelqu’un d’autre !
Je creusais alors dans les tréfonds d’Internet. La plupart d’entre nous laissent des traces, et de sacrés traces en ligne ! Celles d’E. furent particulièrement difficiles à faire remonter. Mais je trouvais. Il s’était marié, à l’étranger. Il avait voyagé et publiait régulièrement des photos de ce voyage (paysages, plats). Pas sur Facebook, non, car il était introuvable, sur ce réseau social. C’était caché, c’était discret, mais c’était là, ailleurs sur Internet…
Les traces s’arrêtaient un mois avant la date du décès annoncé. Cela correspondait. E. était vraiment mort.
Je me sentis un peu triste, sans plus, désolée pour lui que sa vie se soit arrêtée si vite.
C’était une sensation bizarre. Je n’avais jamais été proche de lui, il tenait plus d’un fantasme inassouvi et lointain. Le crush qu’on a pas réussi à mettre dans son lit, ou dans sa vie, quoi. Quelqu’un à qui j’aurais voulu dire : « j’aurais aimé mieux te connaître », que nous soyons au moins amis (malgré ses comportements douteux de coq savant, en Master 2).
Mais E. est mort. Trop tard. De quoi….? Accident ? Anévrisme ? Suicide…je ne le saurais jamais et c’est mieux ainsi.
Adieu E.